Article publié le
3/10/2019
Biodiversité

Semences libres en danger: manger pour la biodiversité

75% de la diversité alimentaire mondiale a disparu en 100 ans (source: FAO). Ce chiffre alarmant mérite d’être répété. Peut-être en espérant une prise de conscience tardive mais plus que nécessaire... Au Canada, ce sont par exemple 86% des variétés de pommes recensées entre 1804 et 1904 qui auraient disparues (source: Semences du patrimoine).

La biodiversité est gravement menacée. Les semences sont un enjeu primordial dans la lutte contre cette érosion.  

Pourquoi s’intéresser aux semences?

Tout simplement car elles sont le premier maillon du système alimentaire. Avant d’être servie en purée dans votre assiette, la carotte a été cultivée à partir d’une semence. Et c’est le cas de la grande majorité de notre nourriture.

S’intéresser aux semences, c’est revenir à la source de notre alimentation, et défendre le renouvellement durable de notre patrimoine alimentaire.   

carottes_semences

Le terme est aujourd’hui largement répandu. Il interpelle et intéresse de plus en plus. Arrivage participe à cette diffusion, notamment par l’opération Gardiens de Semences.

Toutefois, ce terme regroupe de nombreuses réalités et caractéristiques : une semence peut-être à pollinisation libre ou hybride. Ancestrale et patrimoniale. Stable ou instable. Biologique ou OGM. Dans cet univers flou et parfois imprécis, un petit glossaire est nécessaire.

L'objectif est de savoir pour agir en conséquence.

Une semence est l’organe ou la partie d’un végétal que l’on met généralement en terre afin de permettre la formation d’un autre végétal de même nature.

Office québécois de la langue française

Semences hybrides ou à pollinisation libre

Les hybrides

Elles sont le résultat d’un croisement entre deux variétés distinctes génétiquement éloignées, appelées « parents ».

Les parents sont sélectionnés en fonction de leurs caractéristiques: bon rendement, forme qui facilite le transport, résistance à une maladie particulière, meilleure conservation, etc. Grâce au croisement de ces deux variétés, un hybride se créé. Son intérêt? Il combine les traits spécifiques de ses parents, spécialement sélectionnés par l’homme.

Les hybrides conviennent ainsi principalement à l’agriculture industrielle, sur laquelle reposent des objectifs de rendement et d’homogénéité.

Quelle est la différence entre un hybride F1 et un hybride F2?

L’hybride F1 est ce qu’on appelle la première génération (voir la définition précédente). Un hybride F2 appartient à la deuxième génération, c’est-à-dire qu’elle est la descendance d’un hybride F1. Cependant, les plants qu’elle produira n’auront plus les caractéristiques de leurs parents, et seront hétérogènes. Les hybrides F2 sont donc instables.

Les hybrides sont-ils stériles?

Non. Contrairement à une idée répandue, nous pouvons tout à fait les replanter. Néanmoins, ils créeront des hybrides F2, qui, comme vu plus haut, sont instables. C’est pourquoi les maraîchers qui cultivent des hybrides doivent se réapprovisionner chaque année auprès des semenciers…et en sont donc extrêmement dépendants….

Une semence hybride est-elle un organisme génétiquement modifié (OGM)?

Non. Les OGM sont des plantes dont le patrimoine génétique a été modifié par l’intervention humaine, sans pollinisation. Un hybride se reproduit par pollinisation.

Une semence hybride peut-elle être biologique?

Oui. La mention biologique atteste de l’absence d’utilisation de produits chimiques, ce qui n’a pas de lien avec la méthode de reproduction de la semence.

Les hybrides représentent aujourd’hui 80% des légumes. Leur atout est leur force de rendement. Toutefois, la qualité nutritionnelle des fruits et légumes produits est restreinte du fait de la croissance accélérée des plants. Cultivés pour leur homogénéité, leur stabilité et leur productivité, leur uniformité participe surtout à l’érosion de la biodiversité, et rend les cultures vulnérables.

A l’inverse, on peut considérer les semences à pollinisation libre comme gardiennes de la biodiversité et de la vie des sols. Il en existe des milliers de variétés.

Les semences à pollinisation libre

Elles produisent des plants identiques à leur plante mère. Elles ne sont issues d’aucun croisement. Ce sont des semences stables, dont les caractéristiques se retrouvent de génération en génération. On peut donc les récupérer et les replanter d’une année sur l’autre. Les semences à pollinisation libre sont les gardiennes de la diversité génétique et du patrimoine agricole. Cultivées depuis des dizaines voire des centaines d’années, elles s’adaptent à leur environnement local (climat, sol, maladies, etc.). Contrairement aux hybrides, leur date de maturité et leur rendement peuvent varier en fonction des années, n’étant pas sélectionnées « artificiellement » en fonction de critères précis.  

Quelle est la définition d’une semence patrimoniale ? Est-ce la même chose qu’une semence ancestrale?

 Selon Yves Gagnon, semencier artisanal aux Jardins du Grand Portage, le terme de patrimonial est « flou et élastique ». Chaque semencier ou presque a sa propre définition. La seule certitude est la suivante : une semence patrimoniale est une à pollinisation libre. Il semble que semence patrimoniale et semence ancestrale aient également les mêmes caractéristiques. Yves Gagnon s’interroge sur la durée à partir de laquelle on peut considérer une semence comme patrimoniale. Il est parfois dit qu’elle doit être cultivée pendant au moins 50 ans dans une région, mais il n’existe aucune définition officielle. Lyne Bellemare, semencière artisanale chez Terre Promise ajoute :  

"Les semences ancestrales sont des semences familiales qui répondent à une localité très précise et à un goût" Lyne Bellemare, semencière artisanale

Qu’est-ce qu’une semence paysanne (ou une artisanale)?

Il s’agit d’une semence sélectionnée et cultivée par des petits producteurs locaux. Elle n’est donc pas achetée à un semencier.

Une proposition de définition d’une semence patrimoniale ou ancestrale pourrait donc être une semence ancienne héritée de plusieurs générations dans le patrimoine alimentaire et historique d’un territoire donnée.

Au Québec, une vingtaine de semenciers artisanaux font vivre la diversité en sélectionnant des semences à pollinisation libre, patrimoniales et artisanales. Ils sauvegardent activement la biodiversité. Ainsi, ils se battent pour notre héritage commun, notre santé, et pour une société démocratique dans laquelle la source de notre alimentation demeure libre et accessible à tous.

SOUTENONS-LES !

  • En achetant leurs semences et en les faisant pousser. La plupart vendent en ligne. Le site de l'opération Gardiens de semences répertorie le nom des semenciers qui participent à l'opération, ainsi que leur site web.
  • Récupérez les semences d'une année sur l'autre et replantez-les.
  • Encouragez vos voisins producteurs à diversifier leurs récoltes et à cultiver leurs propres graines.
  • PARTAGEZ! Echangez vos semences, et parlez-en autour de vous.

Thomas est passionné par l'agriculture et l'écologie. Il part à la rencontre des producteurs et des cuisiniers pour partager sa passion et vous faire découvrir les enjeux qui se cachent derrière l'assiette.